27 novembre 2008

"Tu...vous...tu...euh...on prend un café?"

Alors voilà. C'est aujourd'hui que je m'y prends (certes un peu tard) pour demander ma dérogation d'inscription en 4e année de thèse. Non, suivez un peu. La deuxième thèse, celle qui me permettra bientôt d'écrire un ouvrage qui me rendra riche et célèbre: La thèse sans peine et sans douleur, ouvrage qui se terminera sans doute par un chapitre plein d'espoir pour des milliers de thésards à la dérive: Sans thèse et sans reproche. Oui, les mots clefs les plus tapés dans Google en ce moment, comme depuis 3 ans, ce sont toujours "thèse déprime", juste après "Nathalie Tauziat Dessous Chic" (vous êtes de grands malades).
Bref, me voilà repartie dans une thèse sans pression, où on dit "tu" à son directeur de thèse sans se demander si c'est normal ou pas, notamment parce que vous partagez la même boulangerie depuis 10 ans, ou que vous avez failli coucher avec lui sur un malentendu ou qu'il a failli coucher avec votre mère ou votre père (rayez la mention inutile, ce genre de proximité quoi) et où on peut même se permettre de lui dire que son manteau long, en chichemoute mercerisé noir à rayures blanches, ça fait vraiment trop maquereau ("dis donc, ça fait un peu souteneur ton manteau, là...?", pour un directeur de thèse, avouez que cette image est tout à fait cocace).
Mais attention ! Je ne vous encourage à faire de l'esprit sur le dos de votre directeur de thèse que si vous avez déjà un travail stable par ailleurs. Méfiez-vous des bises claquées rapidement dans les couloirs et du faux-tutoiement que vous arborez fièrement devant vos camarades jaloux de tant de complicité avec le maître. Cela n'empêchera souvent en rien que la parole de ce dernier vous impose, d'autorité, le choix de la police de caractère de tous vos documents Word, la résolution de l'écran de votre ordinateur, le programme du soir à la télé (de toute façon, vous ne regardez plus la télé qu'en pensant à votre thèse, alors...), la présence de sa fille ou de son fils (ah oui tiens, vous sortiez avec et vous ne vous en êtiez même pas rendu compte...), et, dans de plus rares cas, la couleur de vos sous-vêtements. Avant d'en arriver à cette dernière extrémité, je vous conseille de repasser immédiatement au vouvoiement.

02 novembre 2008

Imagined picard communities

Ce soir, alors qu'en fond de bruit, BHL parle de son dernier livre de correspondance avec Houellebecq chez Ruquier (c'est triste!), alors que Doudou va se coucher, fourbu après avoir rendu son premier jet à son directeur de thèse (c'est triste!), je me sens d'humeur nostalgique (c'est triste!). Je me suis surprise à bien rire à quelques unes des réflexions des membres d'une confrerie d'anciens d'une ville de province. Oui, je viens de province (c'est triste!). Des régions. Des nobles régions de la basse mais néanmoins riante Picardie, où nous, nous savons qu'avec de la betterave, on peut faire du sucre (prononcer chuc'). Ma Picardie natale, abandonnée à 18 ans pour "monter (ou plutôt descendre) à Paris". Une ville de Province, dont les habitants et les natifs vous diront qu'elle a failli avoir une piscine olympique homologuée, mais qu'il y manquait 3 cm, l'épaisseur du carrelage une fois finie (c'est triste!). C'est assez incroyable le plaisir assez innocent qu'on peut ressentir à la lecture de ces quelques souvenirs d'anciens. "Tu sais que tu viens de ... quand...
- tu sais que Popeye est le surnom du clodo exhib' qui agresse les filles dans la rue Carnot!";
- que le Bois Brulet n'est pas une forêt qui a brulé et que la Grenouillière n'est pas une marre aux grenouilles ni un 'Babygros' ";
- qu'à la place du jeu de Paume, on se garait gratos, même en semaine...";
- quand tu donnes toujours rendez-vous à LA fontaine";
- que tu détestes la mascotte Polatouche";
- quand tu as fait du sport sur la piste d'athlétisme construite sur le toit du supermarché, en respirant toute la matinée des odeurs de pains au chocolat"
- quand tu sais que les plans de ton lycée ont été échangés avec ceux d'un lycée de Madagascar, ce qui explique qu'il y fait très froid l'hiver";
- quand tu sais que ce n'est pas l'usine Spontex qui est responsable de l'odeur pestilentielle qui y règne, mais l'usine Viskase, spécialisée dans la fabrication de peau de saucisson (rien à voir)";
- quand tu as déjà été voir un match au Stade Pierre Brisson";
- quand tu sais qui étaient Jeanne Hachette et les bellovaques";
- quand tu as de vieux numéros de Jour de France qui trainent encore chez toi ou tes parents (le Paris-Match picard. Mon préféré, c'est celui en photo, juste après celui avec Giscard en couv', en 1974)";
- quand tu es fier(e) de dire que des intellectuels comme Jean Racine, Felix Faure et Stone (de Stone & Charden) ont été élèves dans la même ville que toi";
- quand tu aurais presque pu appréciser l'humour de Jean Roucas s'il avait été de cette même ville";
- quand tu es fier(e) de dire que c'est la ville qui abrite le coeur gothique le plus haut du monde (après les Tours jumelles)";
- quand tu peux parler des supermarchés RN1, Nord et Sud (alors que maintenant, c'est Intermarché et c'est triste)";
- "quand tu milites pour qu'à Paris, Lyon, Toulouse aussi, il y ait aussi une rue du Pressoir Coquet";
- "quand tu sais que l'Argentine, c'est le nom d'un quartier, et pas du tout d'un pays";
- "quand tu sais qu'avant Mai-livre, il y avait un autre unique magasin de livre vieillot, avec un comptoir en bois et des employés en blouse bleues" (ça, ça veut aussi dire que tu as plus de 32 ans).
Au final, il me semble que je sais que je ne suis pas parisienne (et ça, contrairement à Marie-Paule Belle, ça ne me gêne pas). Et j'ai honte par contre, parce que je crois que c'est comme ça qu'on a commencé à nous faire croire que les nations existaient. Je me trouve conne de presque tomber dans le piège.