31 janvier 2006

Rechute

Les pages de gauche sont toujours moins appréciées que les pages de droite. C'est une règle qui ne souffre d'aucune exception lorsqu'on lit un livre. On aime toujours mieux la page de droite, celle qui se plie mieux, bien à plat, qui se photocopie mieux, bien à plat aussi.
Dès lors, puisqu'il s'agit maintenant de penser à la publication de la thèse, comment faire pour ne mettre que des pages droites dans un livre ? Parce qu'à moins de n'imprimer un livre qu'en recto, on ne s'en sort pas. On arrache une page gauche, et c'est le recto d'une page droite qui s'en va. Dilemne. Tout ceci me rappelle cette planche d'un album de Tintin, Coke en Stock peut-être..., ou le Capitaine Haddock se demande s'il va dormir la barbe sur la couverture, ou sous la couverture. Et finalement, il n'arrive plus à dormir du tout. Moi, c'est pareil. Sans être une femme à barbe, je n'arrive pas à imaginer comment faire une thèse publiée et composée uniquement de pages de droite.
Et je me retrouve à 3h du matin, comme aux plus belles heures des dernières pages de la thèse, quand soudain je tombe sur une redifusion d'une émission de Pascal Sevran sur France 2, pleine de vieux tout fragiles, de beaufs à pantalon en cuir et de chanteurs ringards qui moumoutent avec une main dans la poche de leur blazer. Il y a même Linda De Souza (qui n'est pas non plus une femme à barbe) qui souffre toujours beaucoup en portant sur son dos un sacré fado (ha-ha, ce que je peux être drôle parfois). Les redifusions de Pascal Sevran, c'est mon burden arendtien à moi.

22 janvier 2006

"j'vais les piler demain au criterium!" *

Fin de la tournée mondiale à l'Alpe d'Huez, il y a déjà une semaine de cela. Non, je ne suis pas tombée dans une avalanche, mais seulement dans une énorme marmite de fromage fondu où je me suis vue contrainte de renoncer assez rapidement - soyons lucide ma fille me disais-je - au régime entamé quelques jours plus tôt. J'y ai d'ailleurs perdu mon petit bout de pain ainsi que le bout de ma petite pique, ce qui est tout de même le top du top, vous l'avourez. Et enfin, je m'y suis perdue toute entière surtout. On a pu m'admirer dans mon anorak de l'ESF (un blouson rouge et blanc en gros) et me voir descendre sans peur de vastes pistes. Vertes, parce que j'aime aider mon prochain sur des pistes de débutants en leur montrant mon style "facile" et que c'est quand-même l'endroit le plus adapté pour montrer au monde entier qu'on maîtrise parfaitement le virage Stenmark. C'est un encouragement, une façon de leur dire "un jour, peut-être, vous skierez comme moi" ou encore "regardez comme skier peut-être agréable et comme tout semble facile". C'est fou comme ce petit séjour d'une semaine m'a fait du bien au moral. Mais je me rends compte maintenant que j'ai oublié de faire mention de ma 3e étoile dans la rubrique "awards"du CV de mon dossier de qualification.
* réplique tirée du film Les bronzés font du ski

03 janvier 2006

Ma grand tournée mondiale

Janvier commence, et après les propos rassurants de mon ex-directeur de thèse, je dois postuler pour des post-docs. Je l'aurais fait de toute façon et j'ai déjà cherché, bien sur, mais je ressens comme un besoin irrésistible de me trouver un point de chute pour septembre prochain, une fois que ma 2e année d'ATER aura expiré. Date limite de consommation du docteur en France: 8 mois après la thèse. Après "passe ta thèse d'abord", nous voici donc à "trouve toi un post-doc avant de revenir en France". Pleine d'énergie et d'entrain à l'idée de repartir à l'étranger pour un an, je me voyais déjà un peu (en haut de l'affiche) en train de monter un projet de Grande Odysée, façon Nicolas Vannier. A moi les étendues sauvages de l'Amérique ou du Grand Nord canadien. Voyons voir... biologie moléculaire, mmmh... medical school... mmmh... Modulation des afférences spinales durant la distension gastrique proximale... mmmh non, distale j'aurais candidaté tout de suite, mais proximale, ça a l'air chiant, c'est le cas de le dire.
Trois petits tours et puis s'en vont plus tard, voilà le résultat de mes recherches sur Internet. Sur environ 200 offres de post-docs... 185 sont réservés aux sciences dites "dures". Parmis les 15 offres restantes, 7 autres sont sous condition de nationalité (être américain en l'occurance), 5 ne sont pas dans mon domaine, et 3 sont bien pour MOI! Vous autres, bas les pattes !
Alors "oui" je veux participer aux activités du centre de recherche et je veux organiser plein de choses pour vous et appeler des amis pour leur dire de vous faire de la pub. J'anime des Bar Mitzvah, des fêtes de l'Aïd, des communions, des baptême. TOUT! Je sais tout faire et je suis super motivée. Et en plus j'ai un super CV et un super projet de recherche. Et en plus, je suis hyper rigolotte, et je socialize super bien. Bref, je fais où on me dit de faire. Donc, trois lettres de recommandations... fastoche,... un projet, ... ayai, un CV... itou. Et j'envoie le tout... avant le... euh... le... 31 octobre. Et nous sommes le... 3 janvier. Donc. Euh. Si je me rappelle bien, au 31 octobre, j'étais encore en train de rédiger les 50 dernières pages de ma thèse. Deuxième essai... Le projet, le CV, parfait. Les lettres de recommandations... "les lettres de recommandations doivent nous parvenir pour le... 6 janvier." Grumpf... Donc euh, là il faut que je demande à 3 personnes en général très occupées de me faire une lettre de recommandation en anglais pour le jour même... lettres qu'elles enverront elles-mêmes, sur papier à entête et en chronopost pour qu'elles arrivent le lendemain à la fac américaine concernée. Ben voyons. Et euh, troisième chance... Le CV, la deadline, le projet, tout fonctionne. Incroyable ! Après 5 jours passés sur le net à trouver le post-doc idéal, le voilà enfin! Pas de condition de nationalité, parfait! Oh, et puis maintenant que je le vois, ce projet, il est bien mieux là que dans les deux autres universités qui finalement étaient vraiment merdiques, il faut bien l'avouer. Donc projet, blabla, "Il suffit juste... d'avoir moins de...... 30 ans". C'est fou ce que depuis quelques années je n'ai pas vu le temps passer... Visiblement, à 31 ans, mon cerveau est périmé et hors d'usage.
Et voilà. J'avais voulu faire ma Grande Odysée, et je vais me retrouver à faire la tournée des fellowships de bibliothèque, payée au mois, pour un mois, sans prise en charge des transports, avec présence obligatoire 28 jours sur 30 et publication escomptée à la fin du mois, le tout pour 1800 ou 2000$ au maximum. Sans les taxes. Je vais donc planifier mes grandes dates de tournées... De Septembre à Octobre, en Pennsylvanie, de Novembre à Décembre, à Boston. Rien en Janvier, et puis reprise en Mars, au Canada ou ailleurs.
Ma Grande Odysée va ressembler à la Tournée internationale de Franck Michael ou d'André Rieu. Pourrait-on alors dire avec le célèbre violoniste, que ça serait un peu le "Paradis", "Mein WeihnachtsTraum" ? (parfois, je me dégoute).
"Bientôt près de chez vous, la thésarde masquée! Après des conférences remarquées en Province et un voyage d'un an en Amérique, elle nous revient, plus déterminée que jamais." (en fond musical, musique du Titanic) Y'a des jours comme ça où j'envie Céline Dion, qui a trouvé un super post-doc à Las Vegas, très bien payé en plus. Bienvenue dans le monde de la disco-recherche-mobile !

02 janvier 2006

"Mes meilleurs voeux pour 2006"

Avec mon amie Poupoune et ses amis, on a fait un restau pour fêter le non-réveillon du 30 décembre au soir, non-réveillon qui m'a bien détendu, alors que mon directeur de thèse venait de me dire dans la journée qu'il fallait maintenant bien que je galère un petit peu, que je ne pouvais pas avoir toujours tout cuit, que maintenant allait commencer le véritable parcours du combattant. Pour commencer 2006, je trouvais ce genre de voeux d'un optimiste et d'une bienveillance de circonstance.
Ca a bien calmé la demi-molle d'enthousiasme que je commençais à resentir seulement 15 jours après ma soutenance. Bref, l'argument selon lequel il faut "en chier" me troue le cul. Voilà, c'est dit. Rassurez-vous, je suis une fille bien éduquée, et je ne parle ainsi que lorsque je suis très contrariée. Et je suis fort contrariée.
Les vertus de la patience, de l'abnégation ou encore le martyr purificateur du docteur à la recherche d'un poste, tout cela me ramène irresistiblement à une vision très IIIe République, très operette, ou très Feydeau pour la finesse (sic) de son analyse des existences bourgeoises. On imagine la scène: 5 ou 6 personnages sur la scène qui chantonnent en roulant les r, en costume 1900, et qui regardent un parterre de jeunes docteurs et doctorants:
"Ah! Ah! Ah! Elle aura bien mérité de la patrie
Après avoir mangé et bien grossi
Pendant sa thèse maintenant, fini!
Au riz, à l'eau, et aux patates aussi!
Ah, mais fillette, que d'impatience
Servir la nation, cette récompense
Vous l'aurez un jour, peut-être
Et sera, alors, bien une fête..."
Et comme je suis très contrariée aussi de ne pas avoir eu de nouvelle de certains de mes amis (ou de ceux que je prenais pour tels) à l'occasion de ma soutenance, j'ai pris ma première résolution pour l'année 2006: faire un grand tri parmi ceux de mes connaissances (mot désormais plus adapté) pourtant encore assez récentes que l'invitation à mon pot de soutenance avait rendu visiblement définitivement muets. Tout comme ceux qui, étant au courant de l'affaire, ne s'étaient pas plus préoccupés du résultat des courses. L'année commence bien donc, et c'est la tête dans la gamelle d'eau du chien que je vous souhaite à tous une très bonne année 2006.